À partir de la fin du XIXe, et surtout au début du XXe siècle, se développe l’industrie américaine du saxophone. Les quatre marques les plus célèbres sont Buescher (le premier), King, Conn et Martin. Les saxophones King ont été les principaux challengers de Selmer et le Super 20 est resté en tant que saxophone alto la référence (Charlie Parker, Cannonball Adderley…). Les premiers King sont en fait fabriqués en Allemagne par Köhlert. C’est aussi chez Köhlert que Julius Keilwerth fait son apprentissage (ainsi que chez Amati). Les Köhlert, aujourd’hui oubliés, ont donc contribué à donner la trame des saxophones au son plus gras que l’on trouve chez King (États-Unis) ou Keilwerth (Allemagne), distinct du son clair des Selmer, Yamaha ou Yanagisawa. Conn a été dominant jusqu’à la seconde guerre mondiale (mis au devant de le scène avec par exemple, par les premiers albums de Dexter Gordon) mais la réquisition des usines dans le cadre de l’effort de guerre a porté un coup fatal ainsi que la différence du taux de change entre le franc français et le dollar américain de l’après guerre qui a mis une pression énorme sur les fabricants américains, favorisant l’entreprise SELMER à s’implanter sur le marché américain et contraignant ses concurrents à baisser leurs prix de manière considérable.. Martin est la moins connu des quatre mais a produit des saxophones remarquables (Martin est plus connu des trompettistes, dont Miles Davis). Elle sera rachetée par Selmer USA en 1963, ce qui marquera la fin de l’age d’or des Buescher.. Ces grandes marques vont progressivement être détrônées par Selmer avec le Mark VI et disparaître. Quelques modèles sont aujourd’hui très prisés comme le Conn 10M (ou 30M), le King Super 20 full pearl (bocal en argent, nacres latérales), The Martin comittee ou encore le Buescher Aristocrate III et IV (pavillon type 400).
Les saxophones Grafton ont été fabriqués à Londres en Angleterre par la société Grafton, puis par John E. Dallas & Sons Ltd. dont le design a été créé par Hector Sommaruga, un Italien vivant à Londres. Ils sont en plastique acrylique de couleur ivoire moulé par injection, à partir de verre acrylique comme le perspex en raison de son coût de fabrication plus bas que la moyenne. Au regard de la perplexité de fabrication du matériau utilisé, les modèles plus grands ou plus petits n’étaient pas produits, seul l’alto était mis en fabrication. Les clés et le bocal sont en laiton. Le numéro de série est gravé juste en dessous de la clé de Mi aiguë sur le haut du tube, il ne dépasse pas cinq chiffres et s’arrêtent aux alentours de 13570.
Malgré la notoriété de son utilisation auprès de Parker ou Ornette Coleman, le Grafton n’a pas été accepté par les saxophonistes professionnels pour diverses raisons. Sa sonorité était mat et rude et n’était pas compatible avec un travail de section. Le plastique ainsi utilisé pour le corps et le pavillon du Grafton présentaient tout de même une fragilité aux chocs donnant lieu à des brisures ou des cassures. Les pièces mécaniques de rechange étaient quasi inexistantes et les réparations plus problématiques que sur du métal étaient donc plus onéreuses. L’ensemble de l’action de la mécanique du clétage donnait une sensation molle et flasque sous les doigts.
La production a commencé en 1950 et s’est terminée une dizaine d’années plus tard. Quelques derniers exemplaires ont été assemblés à partir des pièces résiduelles vers 1967 mais les outils et les machines de fabrication ont été détruit en 1968…
Parker aurait acquis son Grafton sous le numéro de série 10265 vers 1951, il l’a utilisé sous les sollicitations du représentant de Grafton lui-même alors que son « King » se trouvait au prêteur sur gages, durant le célèbre concert de Massey Hall à Toronto, aux cotés de Bud Powell, Dizzy Gillespie, Max Roach et Charles Mingus, enregistré en 1953. En 1994, le Grafton de Parker a été vendu aux enchères pour £ 93 500 (environ $ 154 000) acheté par l’American Jazz Museum à Kansas City fief lieu de Parker . Peu de saxophones Grafton ont été exportés de Grande-Bretagne. Après une première poussée, les ventes ont chuté et la production à grande échelle s’est arrêtée à la fin des années cinquante. Les Grafton sont maintenant des objets de collection…
Le King Super-Twenty a été réalisé par la compagnie d’instruments H.N. White à Ekhart Indiana . Qui dit avoir monté le dernier saxophone assemblé à la main, ils ont été mis sur le devant de la scène par de nombreux jazzmans de renom. Wardell Gray et Roland Kirk ont joué la version ténor, tout comme Johnny Griffin, le «little Giant». Cannonball Adderley a toujours utilisé un King super-20, comme l’a fait Parker dans ses dernières années (sauf dans le cas où son sax était chez un prêteur sur gages…). Il l’a joué sur la couverture de l’album live « Bird At St Nick » (ci-dessous à gauche) et est apparu dans les publicités de King (ci-dessous à droite).
Le Super-20 était vendu sous deux modèles, le Standard en laiton ordinaire et le « Silversonic » avec le pavillon et le bocal en argent sterling, tous deux équipés de cheminées rapportées soudées à l’argent. Sa particularité était un nouveau système de clés d’octave appelé « clé d’octave accélérée » avec un nouveau tenon de bocal à double prise venant renforcer sa stabilité et son étanchéité. La clé de bocal était semi-inférieure, ce qui rendait le Super-20 facilement reconnaissable. Un certain nombre de clés sont mêmes dotées d’un écrou qui sert de blocage pour les vis situées aux extrémités des boules de pilier de chaque côté des tringles. La clé de DO grave était montée avec un deuxième bras en pointe, ce qui donne une meilleure stabilité de la calotte sur la cheminé. Bien qu’il fût nécessaire d’avoir un entretien régulier, le King est réputé pour être un saxophone robuste avec une grande résistance aux déplacements et surtout avec une qualité de son hyper centrée, très ouvert et puissamment timbré, à l’effigie des sax américains.
Le Super-20 n’était en fait que l’évolution des « Zephyrs Spécials » avec une gravure bien plus élaborée encore, mais surtout avec un bocal en argent sterling, équipé d’une douille de renfort et un nouveau système d’octave. La série I, de 1945 à 1950 (avec des numéros de série allant approximativement de 275000 à 304599) avait des crochets d’attaches pour le cordon à trois anneaux et des touches de clés en nacre ; de 1950 à 1955 pour la série II (305000 à 338000), la série II étant déjà équipée de l’amélioration du plateau de grave de la main gauche.
Le taux de change entre le franc français et le dollar américain de l’après guerre a mis une pression énorme sur les fabricants américains, favorisant l’entreprise SELMER à s’implanter sur le marché américain et contraignant ses concurrents à baisser leurs prix de manière considérable. Ce faisant, la nécessité de réduire les coûts de fabrication pour King amena à rendre optionnel le bocal en argent sterling aux alentours de 1955 et l’abandon des touches nacrées. Le système de tenon à double prise a été supprimé vers 1963. En 1965, la société fut vendu à Seeburg Corporation à Eastlake en Ohio avec un nouveau nom « King Musical Instruments » et en 1967, c’est la production qui a été transférée à Eastlake. La production du véritable Super-Twenty prendra fin en 1968…